Modification du champ d’application de l’évaluation environnementale

Le décret n° 2024-529 du 10 juin 2024 portant diverses dispositions relatives à l’évaluation environnementale des projets, a été publié (JORF 11 juin 2024).

Il modifie les rubriques 1, 27, 44 et 45 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement définissant le champ d’application de l’évaluation environnementale, essentiellement pour soustraire certains projets de la procédure d’évaluation environnementale systématique (voir ci-dessous notre développement relatif au principe de non régression).

Elevage intensif

La rubrique 1 du tableau relative aux ICPE est modifiée pour « les élevages intensifs de volailles ou de porcs mentionnés par la rubrique 3660 de la nomenclature ICPE« .

Désormais, ne relèveront de l’évaluation environnementale systématique que les installations :

  • de plus de 85 000 emplacements pour les poulets et 60 000 emplacements pour les poules ;
  • de plus de 3 000 emplacements pour les porcs de production (de plus de 30 kg) ;
  • de plus de 900 emplacements pour les truies.

Les autres élevages intensifs, inférieurs à ces seuils mais relevant néanmoins du régime d’autorisation ICPE (par exemple les élevages de volailles de plus de 40 000 emplacements ou les élevages de porcs de plus de 2000 emplacements), feront l’objet d’une procédure d’examen au cas par cas.

Stockage de CO 2

Toujours dans la rubrique 1 du tableau, les essais d’injection et de soutirage en formation géologique d’une quantité inférieure à 100 kilotonnes, lorsqu’ils sont réalisés pendant la phase de recherche, ne relèvent plus de l’évaluation environnementale systématique mais de la procédure d’examen au cas par cas.

Equipements sportifs

La rubrique 44 d) du tableau, relative aux « autres équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés » soumis à examen au cas par cas a été modifiée.

Le seuil à partir duquel un projet de ce type est soumis à examen au cas par cas est désormais de 1 000 personnes alors qu’il n’y avait pas de seuil auparavant.

Opérations d’aménagements fonciers agricoles et forestiers

En application du décret du 10 juin 2024, toutes les opérations d’aménagements fonciers agricoles et forestiers visés à la rubrique 45 du tableau de l’article R. 122-2, sont désormais soumises à une procédure d’examen au cas par cas plutôt qu’à une évaluation environnementale.

Application incertaine du principe de non régression et mécanique de la clause filet

En 2017, le Conseil d’Etat avait fait une première application positive du principe de non régression lors d’une modification des rubriques du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement, sortant du champ d’application de l’évaluation environnementale les projets de pistes permanentes de courses d’essais pour véhicules motorisés d’une emprise inférieure à 4 hectares et la construction d’équipements sportifs et de loisirs susceptibles d’accueillir un nombre inférieur ou égal à 5 000 personnes (CE 8 décembre 2017 Fédération Allier Nature, req. n°404391).

Il avait estimé à cette occasion qu’une réglementation soumettant certains types de projets à la procédure d’examen au cas par cas, alors qu’ils étaient auparavant au nombre de ceux devant faire l’objet d’une évaluation environnementale systématique ne méconnaît pas, par là-même, le principe de non-régression de la protection de l’environnement énoncé au II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.

Le Conseil d’Etat avait en revanche jugé :

« qu’une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à l’obligation d’évaluation environnementale après un examen au cas par cas n’est conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement que si ce type de projets, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine ».

La Haute juridiction en avait déduit que la dispense de toute procédure pour les projets d’équipements sportifs de moins de 5 000 personnes méconnaissait le principe de non régression.

Il ne faut pas exclure que, comme en 2017, le décret du 10 juin 2024 fasse l’objet d’une contestation sur le terrain de la violation du principe de non régression.

Le cadre posé par le Conseil d’Etat dans sa décision de 2017 est cependant très strict.

A s’en tenir à celui-ci, seule la modification de la rubrique 44 d), qui dispense de toute formalité les équipements sportifs de moins de 1 000 personnes, paraît critiquable ; et encore au prix d’un débat complexe et incertain. La mécanique de la clause filet qui n’existait pas en 2017, est en effet censée rattraper désormais les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine alors même qu’ils sont en deçà des seuils prévus par le tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement (cf. art. R. 122-2-1).